L’Unité Economique et Sociale (aussi dénommée l’UES), soit un ensemble de sociétés distinctes qui entretiennent des liens si étroits qu’elles peuvent être considérées comme une entreprise unique, est un concept du droit du travail trop souvent mal compris par les employeurs.
Elle présente pourtant des avantages évidents militant pour sa reconnaissance lorsqu’elle existe contrairement à une idée encore largement reçue.
1. La notion d’UES
Création de la jurisprudence pour déjouer certaines pratiques visant à morceler les entreprises pour échapper à la mise en place d'institutions représentatives du personnel, l’existence de l’UES a finalement été reconnue dans le Code du travail à compter de 1982.
C’est ainsi qu’il est précisé que « lorsqu'une unité économique et sociale regroupant au moins onze salariés est reconnue par accord collectif ou par décision de justice entre plusieurs entreprises juridiquement distinctes, un comité social et économique commun est mis en place » (C. trav. Art. L. 2313-8).
L’UES, pour être reconnue, nécessite la présence de deux critères :
une unité économique ;
une unité sociale.
a. La notion d’unité économique
Pour la Cour de cassation, l’unité économique se caractérise par deux critères cumulatifs :
par la similarité ou la complémentarité des activités déployées par les différentes entités ; et
par la concentration des pouvoirs de direction à l’intérieur du périmètre considéré.
L'identité ou la complémentarité des activités des personnes morales concernées est, quelle que soit l'institution représentative à mettre en place, un élément constitutif de l'unité économique et sociale. Cependant, la jurisprudence ne requiert pas une identité totale des activités, car elles peuvent être similaires ou connexes, voire partiellement similaires (Cass. Soc. 8 avril 1992, n° 91-60.165 ; Cass. Soc. 26 novembre 1996, n° 95-60.927 ; Cass. Soc. 12 mars 1986, n° 85-60.518).
L’UES entre plusieurs personnes juridiquement distinctes nécessite également que les éléments qui la composent soient soumis à un pouvoir de direction unique.
La concentration du pouvoir de direction peut résulter de l’existence de dirigeants et de services généraux communs. Ainsi, l’unité de direction de 3 sociétés ou les mêmes personnes se retrouvent aux postes de direction peut caractériser l’UES (Cass. Soc. 27 juin 1990, n° 89-60.033).
La concentration de pouvoir de direction n’implique pas le contrôle d’une entreprise par une autre (Cass. Soc. 7 mai 1987, n° 86-60.072). L’unité de direction est notamment caractérisée lorsque les mêmes personnes se trouvent au poste de direction (Cass. Soc. 27 juin 1990, n° 89-60.033).
b. La notion d’unité sociale
Pour la Cour de cassation l’unité sociale se caractérise par une communauté de travailleurs résultant de leur statut social et de conditions de travail similaires pouvant se traduire, le cas échéant, par une certaine permutabilité des salariés, de mêmes règlement intérieur, convention collective, des personnels ou services communs, des mêmes politiques de rémunération et d’embauche.
La jurisprudence a ainsi caractérisé une unité sociale dans les cas suivants :
conditions de travail, règlement intérieur, convention collective et politique sociale identiques ainsi que gestion sociale commune (Cass. soc. 14 mai 1987, n° 86-60.443) ;
personnel bénéficiant des mêmes postes de travail, d'une même convention collective, du même régime de prévoyance, de retraite et de mutuelle, du même restaurant d'entreprise, et d'une possibilité de permutabilité (Cass. soc. 7 octobre 1998, n° 97-60.292) ;
trois sociétés au sein desquelles il existe une permutabilité entre leurs personnels mais appliquant des conventions collectives différentes (Cass. soc. 22 septembre 2010, n° 09-60.394).
2. Les modalités de mise en place d’une UES
Deux modalités sont ouvertes pour reconnaître l’existence d’une UES :
La négociation d’un accord collectif d’entreprise : l'existence d'une UES peut être reconnue par un accord collectif signé aux conditions de droit commun entre les différentes entités concernées.
La voie judiciaire : il possible d’obtenir la reconnaissance d’une UES par le biais d’une décision de justice (saisine du Tribunal Judiciaire). Si le passage devant un juge peut parfois faire peur, cette procédure présente en réalité de nombreux avantages en termes de rapidité (décision de reconnaissance dans un délai de 3/4 mois la plupart du temps) et de facilité (il est très rare de voir un juge s’opposer à la reconnaissance d’une UES dans des situations où la majorité des conditions sont réunies.
3. Sur les conséquences de la reconnaissance d’une UES
Il convient de distinguer les conséquences en matière de représentation du personnel, des conséquences sociales pour les salariés de l’UES.
a) Les conséquences en matière de représentation du personnel :
C’est l’effet immédiat et le plus connu d’une reconnaissance d’une UES : l’organisation des élections d’un CSE commun (C. trav. Art. L. 2313-8).
En toute logique, les mandats en cours cessent au jour des élections organisées au sein de l’UES, quelle que soit l'échéance de leur terme (Cass. soc. 26 mai 2004, n° 02-60.935).
En d’autres termes, les éventuels élus actuels perdront leur mandat à l’occasion des élections à venir.
Il convient également d’avoir à l’esprit que dans les UES comportant au moins 2 établissements, des CSE d'établissement et un CSE central d'entreprise sont constitués (C. trav. art. L 2313-8). Le nombre et le périmètre des établissements est déterminé, soit par accord, soit par décision unilatérale patronale, en tenant compte de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel.
L'UES sert également de cadre pour la désignation des délégués syndicaux, une fois les élections survenues.
b) Les conséquences sociales pour les salariés de l’UES :
La reconnaissance de l’UES a des conséquences diverses, notamment en raison du franchissement du seuil de 50 salariés dans une grande majorité des cas.
Le franchissement de certains seuils d'effectifs déclenche en effet des obligations ou supprime des avantages pour les entreprises, en matière de droit du travail et de droit de la sécurité sociale.
4. Sur les avantages et inconvénients d’une UES
La reconnaissance d’une UES présente des avantages et inconvénients du côté des employeurs pouvant être résumés de la manière suivante :
Avantages majeurs : interlocuteur en général unique au titre de la représentation du personnel ; possibilité de négocier des accords collectifs au niveau de l’UES ; grande facilité de mise en place.
Inconvénients principaux : gestion d’un CSE disposant de prérogatives élargies en cas de passage du seuil de 50 salariés ; versement éventuel de la participation en cas de franchissement du seuil de 50 salariés.
Elle n’en reste pas moins une avancée sociale importante pour les salariés et la plupart du temps bénéfique pour les employeurs. Dans cette optique, l'employeur a tout intérêt à promouvoir sa reconnaissance lorsque les conditions requises sont réunies.