La pratique consistant à licencier un salarié pour un motif prétendument personnel, dans l’optique d’éviter de devoir procéder à un licenciement pour motif économique, n’est pas nouvelle et attire encore de nombreuses entreprises.
Pourtant, cette méthode n’est pas sans risque pour les employeurs concernés lorsque les salariés impactés contestent le licenciement économique déguisé intervenu.
La distinction entre licenciement pour motif personnel et licenciement pour motif économique :
Deux grands types de licenciements ont été prévus en droit du travail :
Le licenciement pour motif personnel, reposant sur un motif inhérent à la personne du salarié (inaptitude, insuffisance professionnelle ou encore faute par exemple) ;
Le licenciement pour motif économique, reposant pour sa part sur un motif économique, non inhérent à la personne du salarié (difficultés économiques ou encore cessation d’activité par exemple) (C. trav. Art. L. 1233-3).
A la grande différence du licenciement pour motif personnel, le poste d’un salarié licencié pour motif économique est nécessairement supprimé.
Si le licenciement économique est si redouté, souvent à tort, par certains employeurs, c’est qu’il nécessite la mise en œuvre d’une procédure nettement plus lourde que le licenciement pour motif personnel et engendre parfois des surcouts non négligeables.
On retiendra plus particulièrement les différences majeures suivantes pouvant tenter un employeur d’éviter le licenciement économique :
Une obligation de reclassement, imposant à l’employeur de devoir rechercher un poste de reclassement au salarié licencié pour motif économique, sous peine de voir le licenciement considéré comme abusif (cette obligation est d’autant plus complexe à respecter que l’effectif est important) (C. trav. Art. L. 1233-4) ;
Une obligation de consultation du comité social et économique (CSE) dès lors qu’au moins deux licenciements économiques sont envisagés (licenciement économique collectif) (C. trav. Art. L. 1233-8) ;
Une obligation de mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi (communément appelé plan social), dès lors qu’au moins 10 licenciements économiques sont envisagés dans une période de 30 jours et dans une société d’au moins 50 salariés (C. trav. Art. L. 1233-61);
La nécessité de respecter un ordre des licenciements entre les salariés d’une même catégorie professionnelle en cas de licenciement économique (C. trav. Art. L. 1233-5).
2. La notion de licenciement économique déguisé et les raisons de sa tentation :
La notion de licenciement économique déguisé est simple : il s’agit du cas dans lequel un employeur justifie un licenciement pour un motif personnel alors qu'il s'agit en réalité d'un licenciement pour motif économique.
Plutôt que de suivre la procédure de licenciement économique pour supprimer un poste, l'employeur préfère invoquer des raisons liées au salarié et échapper ainsi aux règles du licenciement économiques.
Les raisons les plus courantes pour procéder de la sorte sont les suivantes :
Un gain de temps, le licenciement économique étant souvent plus long et compliqué à mettre en œuvre, surtout s'il concerne plusieurs employés ;
Un gain d’argent, le licenciement économique étant généralement plus coûteux qu'un licenciement pour motif personnel (particulièrement si un PSE doit être mis en œuvre) ;
Un gain de notoriété, un licenciement économique pouvant nuire fortement à l'image de l'entreprise en révélant publiquement ses difficultés économiques (notamment dans le secteur bancaire).
Outre le recours au licenciement pour motif personnel, il n’est pas rare non plus de constater le recours à la rupture conventionnelle pour échapper là encore à un licenciement économique.
3. Les risques afférents au licenciement économique déguisé :
Sans surprise, le recours au licenciement économique déguisé n’est pas sans risque pour une entreprise, en particulier si ce recours n’a pas été sécurisé par la conclusion d’une transaction avec le salarié licencié.
On pourra citer plus particulièrement des risques :
- Civils, le salarié licencié frauduleusement pouvant solliciter diverses indemnisations de la part d’un Conseil de prud’hommes telles que : des dommages-intérêts pour licenciement abusif (avec application du barème Macron (C. trav. Art. L. 1235-3)), des dommages-intérêts en raison de la part du bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle / du congé de reclassement, des dommages-intérêts en raison de l’absence de consultation du CSE).
Si un PSE aurait dû être mis en place par l’employeur, les sanctions seront encore plus lourdes, se traduisant par une possibilité de nullité du licenciement (C. trav. Art. L. 1235-10) dans lequel le barème Macron est écarté, ou encore des dommages-intérêts liés au contenu du PSE si le salarié concerné a été écarté d’un PSE mis en place après son licenciement fictif.
Pénaux, avec l’existence de contraventions (non-respect des critères d’ordre de licenciement), d’amende administratives (non-information de l’administration) ou encore de délit (délit d’entrave en l’absence de consultation du CSE)
Certains employeurs se retrouvent au final à devoir acquitter une somme bien plus importante que celle qui aurait été versée en suivant la procédure légale devant être respectée.
Fraus omnia corrumpit.
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