Il s’agit là d’une erreur très fréquemment commise par les employeurs relevant de la branche des bureaux d’études techniques, dite SYNTEC : estimer impossible la mise en œuvre d’un forfait hebdomadaire en heures en application des dispositions légales en raison de l’existence de la « modalité 2 » au sein de la convention collective de branche.
Et pourtant, rien ne vous interdit d’appliquer à vos salariés le forfait en heures (forfait hebdomadaire ou mensuel), et non les dispositions conventionnelles de la branche SYNTEC, lesquelles prévoient des obligations spécifiques assez contraignantes.
1. Le forfait hebdomadaire ou mensuel en heures en application des dispositions légales
Avant tout, il convient de rappeler bien évidemment ce qu’est une convention de forfait en heures.
Une convention de forfait en heures permet d'intégrer, dans la durée de travail d'un salarié, et sur une période prédéterminée, un certain nombre d'heures supplémentaires prévisibles. En d’autres termes, elle permet de fixer un nombre global d’heures de travail à effectuer sur la semaine ou le mois (voir sur l’année).
Ce dispositif rend ainsi le décompte de la durée du travail nettement plus facile.
Contrairement au forfait annuel en jours, le forfait hebdomadaire ou mensuel en heures est ouvert à tous les salariés et ne requiert pas la conclusion d’un accord collectif (C. trav. Art. L. 3121-56). En effet, la conclusion d’une convention individuelle de forfait matérialisant l’accord exprès et préalable du salarié suffit.
Le législateur n'a pas, à la différence du forfait annuel en jours ou en heures, limité le recours au forfait horaire sur la semaine ou le mois à des salariés remplissant certains critères. Il est ainsi ouvert à tous.
En matière de rémunération, le salarié soumis à ce dispositif bénéficie d’une rémunération au moins égale à la rémunération applicable dans l’entreprise pour le nombre d’heures correspondant à son forfait augmentée des heures supplémentaires et des majorations légales (C. trav. Art. L. 3121-57).
Il n’est en effet pas envisageable qu’un salarié puisse se retrouver avec une rémunération plus faible qu’un salarié réalisant des heures supplémentaires de manière classique.
En application de la convention collective de la branche SYNTEC, un forfait hebdomadaire en heures avec plafond annuel en jours est ouvert aux ingénieurs et cadres avec une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale (accord national du 22 juin 1999 relatif à la réduction du temps de travail).
Les conditions suivantes sont requises par la CCN :
(i) La condition relative au plafond de la sécurité sociale est impérative. Il ne s’agit pas d’une simple condition d’éligibilité mais bien une condition de maintien dans ce régime. En d’autres termes, cette condition doit donc être satisfaite à chaque revalorisation du PASS et non pas uniquement lors de l’embauche du salarié.
(ii) Le forfait en heures selon SYNTEC, prévoit également, une durée de travail de 35 heures augmentée de 10%, soit 38h30 par semaine au maximum dans la limite de 219 jours par année. Toute heure supplémentaire constitue une période de « suractivité » qui doit donc être compensée par des demi-journées de sous activité.
(iii) La rémunération versée au salarié soumis à cette organisation de travail tient compte des variations d’horaires dans la limite de 10% sans pouvoir être inférieure, annuellement, à 115% du SMIC.
Ce forfait relativement contraignant signifie-t-il pour autant qu’un employeur n’aurait pas le droit de conclure avec ses salariés un forfait hebdomadaire ou mensuel en heures en applications des dispositions légales ?
La question est moins évidente qu’elle en a l’air car :
Rien n’est prévu dans la convention collective concernant une possibilité de déroger à ce forfait ;
La rédaction de la convention collective est ambigüe et peut laisser penser que nous sommes face à un forfait hebdomadaire en heures.
La Cour de cassation a fini par trancher ce point en estimant que les forfaits mensuels ou hebdomadaires en heures sont accessibles aux entreprises quelles que soient les dispositions de la convention collective de branche (Cass. Soc. 16 juin 2021, n° 19-24.352).
En d’autres termes, rien ne vous interdit de conclure avec vos salariés un forfait hebdomadaire en heures « classique » tout en relevant de la branche SYNTEC.